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Anna Roy et Baptiste Beaulieu : ils se battent pour mieux soigner. Dossier

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Revue

Causette - Plus féminine du cerveau que du capiton

142

98 p.

mars 2023

P 200

29971

Ce matin-là, elle boit son café, les yeux dans le vague, la tête à l'envers. Encore une nuit de garde qui décalque. Les cheveux relevés en chignon, n'importe comment. Ça fait bien longtemps qu'elle ne les a pas détachés. Pas pratique. Les néons et les murs verts de l'hôpital n'arrangent pas son teint blafard et les cernes sous ses yeux. D'ailleurs, c'est quand la dernière fois qu'elle a vu son visage sans cernes dans le miroir ?
Une fois encore, cette nuit, elle a tiré sur la corde, paré au plus pressé, explosé ses horaires, couru d'une chambre à l'autre. Une fois de plus, elle n'a pas pu prendre le temps d'écouter la dame de la chambre 241. Elle ne se plaint pas beaucoup pourtant, la vieille. Elle n'ose même pas, la pauvre. Elle n'a pas non plus pu faire le pansement sur la jambe du monsieur à moustache de la 358 avec la délicatesse qu'elle aurait voulu. Quant au petit Joseph de la 512, avec son crâne d'œuf, elle n'a pas su le rassurer avant la piqûre. Elle s'est même impatientée face à ses pleurs. Toujours pas le temps…
Alors voilà. Il est 7 h 32, elle a bossé douze heures d'affilée, à peine le temps de pisser, elle est épuisée. Elle a franchement tout donné, et pourtant, elle culpabilise. Elle n'avait pas signé pour ça, au départ, mince ! Elle pensait qu'elle allait aider les gens. Prendre soin d'eux. C'est bien ça la signification du mot soignant·e, non ? Elle croyait que son métier aurait du sens pour elle. Petite, elle adorait apporter un thé au lit à sa mamie quand elle avait la grippe, consoler son petit cousin quand il avait un chagrin, ou sa camarade de classe qui s'était cassé le bras. Toujours dévouée. Toujours là pour les autres. Alors quand on lui a dit qu'elle pouvait en faire son métier, elle a dit banco !
Mais ça fait presque vingt ans qu'elle exerce. Et soudain, ça n'a plus de sens pour elle, justement. Elle n'a plus les moyens de bien prendre soin. Elle le fait mal, et sans plaisir. Elle se sentirait presque maltraitante avec ses patient·es. Alors, STOP ! Il est 7 h 32. Elle boit son café et, d'un coup, elle sait. Demain, elle ne reviendra pas. Ça la dévaste, mais demain, l'hôpital fera sans elle. Eh oui, une de plus qui raccroche la blouse…
Ce numéro de Causette est dédié à tous·tes les soignant·es qui nous lisent (et aux autres aussi, quand même). Force et courage. On est ensemble.

Français

https://www.causette.fr/magazines/magazine-n142-mars-2023

SANTE ; POLITIQUE PUBLIQUE ; HOPITAL ; VIOLENCE INSTITUTIONNELLE ; MALTRAITANCE ; STRUCTURE DE SOINS ; POLITIQUE DE LA SANTE

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