- n° 147 - 99 p.
« Je ne veux plus être la seule femme sur la photo ! » Le 8 mars dernier, dans une tribune parue dans Libération, Murielle Guilbert, codéléguée du syndicat Solidaires, poussait un coup de gueule bien senti. Un cri du cœur qui faisait écho à un cliché réalisé par l'AFP en janvier de la même année. Sur la photo de classe, on la voit aux côtés des huit autres responsables de l'intersyndicale qui bataillent alors contre la réforme des retraites. Que des hommes – dotés ou pas de moustache – autour d'elle. Seule femme sur la photo, donc.
À croire qu'elle fut entendue : moins d'un mois plus tard, Sophie Binet était élue secrétaire générale de la CGT, une première depuis la création du syndicat en 1895. Fin juin, c'était Marylise Léon qui prenait les rênes de la CFDT. Un signal fort dans les deux cas pour un milieu encore très masculin. D'autant qu'avant d'en prendre la tête, Sophie Binet était pilote de la commission Femmes mixité du syndicat et qu'elle a publié en 2019 un livre sur la place des femmes au sein de la CGT. Il est probable, donc, que ces deux nouvelles cheffes fassent avancer les questions d'égalité salariale ou de parité. On le souhaite en tout cas.
Mais ce choix de numéros unes ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt syndicale. Car chercheur·euses et spécialistes du sujet s'accordent à pointer une féminisation « en mode sandwich », selon l'expression de la sociologue Cécile Guillaume. Par le bas, donc, grâce à la loi Rebsamen de 2015, qui prévoit des listes paritaires pour les élections professionnelles, et par le haut dans de nombreuses confédérations, par exemple la CGT, qui affiche depuis 1999 la parité dans les instances dirigeantes. Là où le bât blesse, c'est au milieu, donc, au niveau du jambon-fromage (filons la métaphore). À savoir dans les unions départementales ou les fédérations, où l'on tourne plutôt autour de 20 à 30 % de femmes. Or non seulement c'est là que se situent les vrais lieux de décision, mais c'est aussi un vivier de recrutement pour de futur·es dirigeant·es. Pourquoi ce ventre mou, me demanderez-vous ? On vous le donne en mille ! La fameuse triple journée, bien sûr ! Car prendre des responsabilités syndicales ou être élue CSE est chronophage. Réunions, déplacements imposent une forte disponibilité qui impacte nécessairement l'équilibre vie privée/vie pro. Et qui se sacrifie pour faire tourner la maisonnée ? On ne vous fera pas l'injure de vous donner la réponse. Un mantra, donc, pour 2023 : mecs aux fourneaux, femmes plus dispos pour la négo !
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« Je ne veux plus être la seule femme sur la photo ! » Le 8 mars dernier, dans une tribune parue dans Libération, Murielle Guilbert, codéléguée du syndicat Solidaires, poussait un coup de gueule bien senti. Un cri du cœur qui faisait écho à un cliché réalisé par l'AFP en janvier de la même année. Sur la photo de classe, on la voit aux côtés des huit autres responsables de l'intersyndicale qui bataillent alors contre la réforme des retraites. Que ...
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